On prend souvent pour acquis que le Québec indépendant serait une république. Moi-même, j'aime beaucoup mieux l'idée de la république, qui consiste à donner la souveraineté à la Nation.
Mais, dans les faits, ce qu'on veut vraiment, c'est une démocratie. La souveraineté de la Nation, ce n'est qu'un principe, et bon nombre de républiques sont en fait des dictatures dont le président, bien qu'agissant au nom de la nation, ne pense qu'à lui-même et à sa gang. Comme je le dis bien souvent, je préférerais de loin être sujet du roi de Suède qu'être citoyen de la République haïtienne... Pas vous?
Dans les faits, établir une république québécoise amènerait son lot de problèmes, dont certains qu'un royaume du Québec n'aurait pas à affronter. Premièrement, tous ces immigrants qui prêtent serment à Sa Majesté Élisabeth II, ses héritiers et successeurs, pourraient devenir citoyens du Québec sans se sentir parjures, ce qui est très important pour bon nombre d'entre eux. Les anglophones du Québec seraient aussi symboliquement rassurés de rester sous la protection de la reine (ou du roi qui pourrait bien lui succéder très bientôt). Finalement, bien des Premières Nations considèrent que les traités qu'ils ont signés l'ont été, presque de manière personnelle, avec la reine ou le roi du Royaume-Uni, puis du Canada; ce serait un blocage de moins à faire sauter.
La démocratie, quant à elle, ne ressort pas du fait de vivre en république ou en royaume, mais bien de la conscience politique des habitants du pays et du détail des mécanismes électoraux. Nombre de pays européens sont des royaumes et ne s'en portent pas plus mal, bien au contraire, souvent.
En fait, le seul argument que l'on pourrait opposer au fait de devenir un royaume supplémentaire pour la reine ou le roi du Royaume-Uni est d'ordre symbolique: c'est au nom de ce royaume que nous avons été conquis, c'est au nom de ce royaume que les Patriotes ont été pendus, c'est au nom de ce monarque que le Canada nous traite en minorité depuis bientôt 150 ans et qu'on veut nous assimiler depuis 250 ans. Mais, dans les faits et au XXIe siècle, notre sujétion envers la reine ne va guère plus loin que de voir son visage sur nos billets de banque, nos pièces de monnaie et nos timbres-poste, et de la recevoir tous les cinq ou dix ans. D'un autre côté, garder ce lien rassurerait bien des gens qui, autrement, nous seraient farouchement opposés. N'est-ce pas une concession à considérer?
Et rien n'empêche de devenir une république dans les décennies à venir.
Le drapeau est le Blue Ensign qui était le drapeau officiel du Québec avant le fleurdelysé, bien qu'il n'ait à peu près jamais été utilisé. L'image fait partie du domaine publique en vertu de la licence CC0 1.0. Cependant, je ne l'ai mis là que pour illustrer mon article, sans vouloir dire du tout que ce devrait être le drapeau du Québec, actuellement ou dans l'avenir.