mercredi 31 août 2016

Réflexions en guise de réponses à M. Bock-Côté

Ces dernières semaines, durant mes vacances, j'ai pris le temps de lire le dernier opus de M. Mathieu Bock-Côté, dont la une apparait à gauche. Je voudrais répondre à son auteur, et j'ai décidé d'utiliser ce blogue pour ce faire. Évidemment, je ne pourrai pas citer deux ou trois auteurs pour chacun de mes paragraphes...

1. Multiculturalisme
Je trouve que M. Bock-Côté étend le sens du mot multiculturalisme bien au-delà de ce que l'on entend habituellement au Québec ou au Canada. Il ne s'agit pas simplement d'une politique d'immigration, mais bien d'une nouvelle conception anationaliste de la vie en société. Or, je crois que bien peu de ceux qui ont été à la source de l'idée canadienne du multiculturalisme serait d'accord avec les dérives actuelles.

Ceci, au Canada anglais, les immigrants deviennent tous anglophones assez rapidement, non?

2. Multiculturalisme bis
Il serait intéressant de fouiller l'origine de la politique canadienne (et britannique) de multiculturalisme? Provient-elle des ententes que le colonisateur britannique a dû consentir avec les tribus locales? Ententes qu'il a fallu reconduire quand les coloniaux sont devenus des immigrants? De remords face à la façon dont on a traité les Premières Nations, ici? De relativisme anthropologique mal digéré?

Ce sera peut-être pour un autre livre, Mathieu?

3. Sources
Bizarrement, à lire le livre, on croirait que seuls des Français et quelques anglophones ont écrit de manière pertinente sur le sujet, bien qu'il s'agît d'une mode qui attaquerait l'ensemble de l'Occident...

4. Le fardeau de l'homme blanc
Doit-on absolument cesser de critiquer son histoire pour être nationaliste? En lisant M. Bock-Côté, on serait tenté de le croire. Bien sûr que l'Occident a mené une politique expansionniste violente. Bien sûr que nombre de minorités y ont été opprimées, sans oublier les femmes et les travailleurs (ce qui fait de ces minorités une large majorité). Mais bien sûr aussi que tous les peuples ont d'immenses squelettes dans leurs placards. Au lieu de pleurnicher dans leur coin, les historiens ne devraient-ils pas mettre de fait en avant et l'étudier davantage? Cela dit, l'étude historique ne doit pas servir d'acte de contrition non plus, je suis d'accord.

5. Le progrès de l'égalité
Je me souviens avoir lu une version toute autre des raisons qui ont mené aux révoltes étudiantes des années 60. Depuis des décennies, nos sociétés mettaient de l'avant des concepts comme la démocratie ou l'égalité. Or, les jeunes ont alors remarqué qu'elles étaient plutôt inégalitaires et oligarchiques. D'où le clash.
Par ailleurs, les exigences d'égalité de la part des femmes, des minorités visibles, des homosexuels ou des transsexuels n'a pas vraiment à voir, selon moi, avec la politique diversitaire que pourfend notre historien, mais bien avec le progrès séculaire de l'égalité et du droit de vivre comme on l'entend, mais en société. Après tout, les femmes ou les gays ne revendiquent pas, pour la plupart, le droit de vivre à part, selon des codes culturels tout à fait différents, mais le droit de vivre comme les autres, d'avoir les mêmes droits que les autres, ceux des hommes, ceux des hétéros, ceux des Blancs, tout simplement.

6. Quelles cultures?
Bizarrement, quand on affirme que les immigrants devraient avoir le droit de vivre selon leur culture d'origine, on définit toujours ces cultures comme des cultures nationales: on parle de la culture syrienne, algérienne, chinoise, italienne, grecque... On définit encore et toujours la culture comme celle d'un pays. Et qui nierait qu'il y a aussi une culture française, anglaise, allemande, et tutti quanti? Cela ne met-il pas à mal cette analyse anationaliste de la culture?

En fait, le principal obstacle à l'intégration des immigrants, ce ne sont pas les cultures, qui finissent bien un jour par se diluer, mais les barrières plus hautes que sont la religion et la couleur de la peau. Veux, veux pas, un Noir sera encore longtemps vu de prime abord comme un étranger, dans nos contrées, même s'il sacre sans accent. Et tout historien devrait se rappeler que les principales revendications des Canadiens-Français ont longtemps été religieuses, de l'abolition du Serment du Test au contrôle des commissions scolaires. Encore aujourd'hui, pour des personnes religieuses, la religion fait partie de l'identité avant même la langue ou la culture d'origine, et on ne se marie pas hors de sa religion. D'où les barrières.

Là, la solution ne viendra pas d'un conservatisme qui ne peut qu'accroitre ces barrières, mais bien plutôt de la croissance de l'athéisme ou de l'indifférence religieuse. Quand il ne restera du Ramadan que le festin du dernier soir, comme pour le Carême et Pâques, il n'y aura plus d'obstacles religieux.

7. Le cas du Québec
Il y a quelque chose qui me chicote dans l'analyse de Bock-Côté. Ce dernier avance que les nations devraient davantage chercher à assimiler les immigrants à leur culture nationale. Mais n'est-ce pas ce que le Canada a toujours cherché à faire et ce à quoi les Québécois ont toujours tenté de s'opposer avec plus ou moins de succès? Après tout, qui dit culture nationale dit pays. L'immigrant qui s'installe à Munich devrait-il, pour satisfaire M. Bock-Côté, assimiler la culture allemande ou la culture bavaroise? Celui qui va à Cardiff devra-t-il apprendre, en plus de l'anglais, le gallois?

D'ailleurs, jusqu'à un certain point, on pourrait affirmer que la tolérance que montre le Canada envers le fait français, au Québec et dans le Rest of Canada, tient, en premier lieu, à cette politique diversitaire à laquelle s'oppose notre auteur. Le Canada devrait-il chercher davantage à nous assimiler, dans son processus de nation building?

8. Conservatisme
J'aurais aimé que M. Bock-Côté donne davantage d'exemples de ce qu'il préconise comme idées conservatrices à remettre de l'avant. Au détour d'une phrase, il parle de la famille, sans plus. Mais de quelle famille parle-t-il? Je ne peux pas croire qu'on voudrait, au Québec, remettre en vigueur la famille traditionnelle, celle où le divorce et la contraception était interdits, où les femmes n'avaient aucune existence légale et devaient remettre leur salaire à leur mari, quand ce dernier leur permettait de travailler, et où l'on avait six, dix ou seize enfants! Ou bien s'agit-il d'une famille fantasmée, simplement sans les difficultés actuelles de la vie des couples et des familles, mais sans les contraintes bien plus lourdes dont on a si longtemps cherché, justement, à s'affranchir?

En guise de conclusion

Je ne m'oppose pas en bloc au discours de M. Bock-Côté, au contraire. Comme lui, je trouve qu'on devrait davantage enseigner l'histoire et la culture nationales, et que l'on devrait davantage chercher à intégrer les immigrants à notre collectivité. On peut le faire. La différence entre eux et nous n'est pas essentialiste. Mais il faut avant tout que les choses soient claires, que les immigrants sachent qu'ils viennent au Québec, que c'est le français qu'ils devront utiliser en société et qu'ils vivront avec nous, pas simplement à nos côtés. Et il faudra mieux outiller les écoles.


Surprise! Il y a une suite!

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